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Libération : “Une radicalisation des positions”



«Une radicalisation des positions sur le halal»

Interview SOCIÉTÉ Le 22 février à 0h00


Par CATHERINE COROLLER De notre correspondante à Lyon

Nicolas Sarkozy s’est rendu tôt hier au marché de Rungis pour tenter, dès 6 h 20, de désamorcer la «polémique» sur la viande halal qui inonderait le marché d’Ile-de-France, selon Marine Le Pen. «C’est une polémique qui n’a pas lieu d’être, a-t-il affirmé. 200 000 tonnes de viande sont consommées chaque année en Ile-de-France. 2,5% sont de la viande casher et halal.»

Pour Libération, Florence Bergeaud-Blackler, anthropologue (1), fait le point.


La France se met-elle en infraction avec la législation européenne en ne pratiquant pas l’étourdissement des animaux avant abattage halal ?

L’abattage halal bénéficie d’une dérogation. Mais selon la réglementation, les abatteurs doivent être formés, des moyens de contention mis en place, et un temps minimum respecté entre le moment où l’on saigne l’animal et celui où on le découpe. Ces précautions ne sont pas toujours respectées. Avec la concurrence internationale, certains abattoirs ont tendance à faire des économies sur le bien-être animal et l’hygiène.

Dans d’autres pays, les responsables musulmans acceptent l’étourdissement…

Les musulmans exigent que l’animal soit abattu vivant. D’où le rejet des méthodes d’étourdissement létales. Mais des méthodes légères, qui ne tuent pas, sont utilisées en Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne et chez de gros exportateurs de carcasses halal.

Pourquoi pas en France ?

C’était la position majoritaire des autorités islamiques jusqu’aux années 90, mais on observe une radicalisation des positions. Certains groupes musulmans font de la publicité sur le rituel sans étourdissement, et stigmatisent le caractère barbare de l’«assommage», comme ils disent.

Une directive sur l’étiquetage des denrées alimentaires a été votée en juin 2010 par le Parlement européen. Mais un amendement préconisant d’inscrire «viande provenant d’animaux abattus sans étourdissement» a été supprimé. Sous pression de la France, comme dit Le Pen ?

Un des rédacteurs du règlement me l’a confirmé, mais il a accès à des documents que je n’ai pas pu voir. Ce qui est sûr, c’est que la filière viande y est opposée et a fait pression. Selon elle, l’indication sur l’étiquette aurait un effet dissuasif sur certains consommateurs. Elle veut garder la possibilité de vendre une partie de la viande rituelle en circuit conventionnel sans étiquetage.

Un décret encadrant l’abattage rituel en France doit entrer en vigueur le 1er juillet…

Ce décret est un compromis entre l’Etat et les opérateurs économiques, qui vise surtout à éviter la mise en œuvre d’une véritable traçabilité de l’abattage à la boucherie. Dès le 1er juillet 2012, tout directeur d’abattoir devra adresser une demande d’autorisation au préfet pour pouvoir abattre en rituel sur la base de son carnet de commande. Il obtiendra ou non l’autorisation. Mais un carnet de commande n’est pas un document officiel et les commandes peuvent augmenter ou diminuer. Quel moyen de pression aura l’administration si le nombre d’abattages rituels ne correspond pas à ce qui est déclaré ? Fermer l’abattoir ? Le pénaliser ? C’est risquer de perdre des emplois. Le seul avantage du décret est d’obliger les abattoirs à établir une comptabilité «rituel» et «non rituel», ce qui permet un minimum de contrôle. Aujourd’hui, on ne peut se reposer que sur les déclarations des abatteurs.

(1) A l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (Iremam) d’Aix-en-Provence. Auteure de «Comprendre le halal» (Edipro, 2010).

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