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La proposition de financer le culte par une taxe sur les produits halal ne présente aucun intérêt et


Nathalie Kosciusko-Morizet


La candidate à la primaire du parti les Républicains, Nathalie Kosciusko-Morizet a détaillé dans une émission de TV diffusée samedi 12 mars, l’idée d’un financement des mosquées en France par une taxation des produits halal pour éviter le recours à des financements étrangers.

Sa proposition déjà évoquée dans le Figaro en décembre dernier se résume ainsi :«Vous avez un marché du halal. C’est six milliards d’euros par an. Vous levez une taxe d’un pourcent sur un marché de six milliards, c’est soixante millions d’euros par an» versés  à la “Fondation des œuvres de l’islam de France” (FOIF) organisme créé par Dominique de Villepin en 2005.

Intéressons-nous à la viabilité économique de cette proposition.

Ce chiffre de 6 milliards d’euros correspond à une évaluation à la hausse d’un chiffre produit en 2010 par le cabinet marketing Solis. Il estimait la taille du marché halal français à 5,5 milliards d’euros : 1 milliard pour la restauration hors foyer et  4,5 milliards pour les dépenses alimentaires des foyers musulmans, qu’ils achètent des produits alimentaires français ou étrangers, certifiés halal ou non. Ce chiffre ne correspond pas aux revenus de la vente de produits certifiés halal et taxables en France, car il inclut des produits non certifiés comme les dattes, les sauces tomates ou les fruits par exemple, ou encore les produits importés marqués ou certifiés à l’étranger.

La candidate propose de taxer tous les produits labellisés halal. Mais il y a des centaines de produits de marque halal qui ne sont pas contrôlés, d’autres qui ne sont pas certifiés par des mosquées. Pourraient-ils être taxés ? Sur quelle base ? En contrepartie de quel service ?

Imaginons que pour financer le culte, l’Etat aide la FOIF à mettre en place sa certification halal islamique. Le ministre de l’Intérieur Charles Pasqua avait tenté de le faire avec la Grande Mosquée de Paris en 1994 mais il avait échoué car les abattoirs avaient refusé de payer « l’impôt islamique ».  Mais imaginons que NKM parvienne à convaincre les acteurs économiques. Qu’est ce qui permet de penser que les organismes de certification halal privés qui existent déjà, et qui sont rémunérés pour leurs activités de contrôle, se rallieront à cette initiative ? Qu’est ce qui assure que d’autres organismes français ou étrangers n’apparaitront pas pour contester l’hégémonie de la certification FOIF et prendre ses parts de marché ?  Plus l’assiette des revenus de la certification halal du FOIF se réduira, plus la taxe FOIF sera chère et plus les produits seront couteux, moins elle sera compétitive. De plus cela peut entrainer une hausse des importations de produits fabriqués à l’étranger.

D’où qu’on l’examine, cette solution économique ne présente aucun intérêt s’il s’agit d’accumuler des revenus pour le culte.

Mais en plus, tant que nous sommes dans un régime laïque, elle est contestable. De quel droit l’Etat donnerait-il les moyens au FOIF de mettre en place sa certification halal ou de percevoir cette taxe ? Ce serait une ingérence dans les affaires cultuelles et une entorse à la Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat : « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ».

On rappelle souvent l’exemple de la cacherout. Il est vrai que les Beth Din de Paris, Marseille, Metz, Lyon et Strasbourg prélèvent une redevance sur l’abattage rituel, la surveillance des produits en boucherie, traiteur, épicerie qui permettent de financer une partie des activités cultuelles. Mais c’est un système religieux qui a été centralisé durant le régime concordataire, alors que le marché halal n’existait pas. Et, outre que le marché cacher est plus étroit que le marché halal, il est aujourd’hui fortement fragilisé par la concurrence d’autres surveillances rabbiniques.

Je ne parle même pas des conséquences sur la commensalité (et ce que l’on appelle “le vivre ensemble”) d’une incitation des musulmans à manger du labellisé halal pour financer leur culte, des pressions sociales, économiques, politiques etc. que j’ai évoqués ici (*).

Et d’ailleurs au fait, pourquoi cette proposition? Pour éviter que la communauté musulmane ne fasse appel à des financements étrangers ?

Mais est-on vraiment certain que des financements français tariraient les flux étrangers ?


 

(*) Sur le halal comme espace normatif : cf . mon dernier ouvrage en français, Les Sens du Halal, ed CNRS 2015 à l’école, L’école au défi de l’espace alimentaire halal, HMC Les religions à l’école, 2014

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