top of page

Florence Bergeaud-Blackler : Le crime de blasphème étouffe la liberté d’expression académique, JDNews, le jdd.fr


L’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler éclaire la résurgence du blasphème dans le contexte actuel de régulation des débats scientifiques. Entre censure et idéologie, la liberté académique se retrouve menacée, notamment dans les études sur l’islam.


Extraits :


La régulation d'un débat scientifique n'est pas une science exacte : il est traversé par des conflits, des rivalités, des concurrences, des jalousies, d'autant plus que la publication est le critère principal d'obtention de financements pour la recherche. Ce système défavorise le chercheur brillant, innovant, réellement créatif. Il a peu de chances d'émerger dans un tel système, plutôt conservateur, où les standards prennent en compte à la fois des critères scientifiques et éthiques – Est-ce une femme ou un homme ? La démonstration risque-t-elle de contrevenir aux principes de non-discrimination ou aux lois mémorielles, voire d'offenser la sensibilité des lecteurs ?). D'où une certaine frilosité, un repli vers des théories connues et confortables qui favorisent le mandarinat.

[...]

En sciences sociales, on peut produire des résultats erronés sans en subir les conséquences individuelles ou même collectives à moyen terme ; en physique nucléaire, c'est bien sûr différent. Aujourd'hui, il n'est plus nécessaire d'abjurer et de maudire sincèrement ses erreurs. Mais on peut néanmoins risquer sa vie, car le crime de blasphème, chassé par la grande porte, revient par la fenêtre. Dans mon domaine, les études historico-critiques sur l'islam sont frappées d'interdit, non par des dévots « moyenâgeux », mais par des censeurs qui exigent que les résultats soient validés par des « musulmans ».

[...]

L'indigénisme a envahi la sociologie, imposant comme ultime critère la validation de l'objet étudié par ceux qui prétendent le représenter. Comme si on avait demandé à Galilée de consulter le soleil avant de publier ses découvertes. Ainsi, la théologie est en train de prendre sa revanche sur la science, avec des conséquences inquiétantes pour la liberté académique, et donc pour la liberté d'expression.

Tribune parue dans le magazine JDNews du 18 septembre 2024 et à lire dans son intégralité sur le site du JDD



Commentaires


bottom of page