Dans une tribune publiée sur le site du JDD, les amis de Boualem Sansal, parmi lesquels David Lisnard, Olivia Grégoire, Paul Melun ou encore Guillaume Larrivé, lancent un nouvel appel pour la libération de l’écrivain.
Un homme a été arrêté à Alger le 16 novembre dernier à sa descente d’avion. Cet homme s’appelle Boualem Sansal. Il est Algérien, il est Français, il est surtout universel. C’est un romancier, c’est un essayiste, c’est un artiste, c’est l’une des plus grandes voix de la littérature francophone, traduit dans le monde entier et dont le talent est indissociable d’une immense modestie. Cet homme est une passerelle entre les deux rives de la Méditerranée, un amoureux de la langue française, un infatigable arpenteur des sociétés françaises et algériennes dont il est l’un des fils, une conscience libre et lucide. Ce sont cette liberté et cette lucidité qu’un État, via une décision arbitraire, a décidé d’emprisonner au mépris des droits humains les plus élémentaires. La France ne peut pas ne pas réagir : avec détermination, avec force et sans trembler. Depuis plusieurs jours, les autorités algériennes se livrent à une campagne de diffamation sans précédent à l’encontre de Boualem Sansal et de ses soutiens.
Depuis plusieurs jours, les autorités françaises, privilégiant à raison la discrétion ainsi que la voie diplomatique, font preuve d’une retenue sans égale alors que l’un de nos compatriotes est tout autant victime de son expression libre que du contexte tendu des relations franco-algériennes. Malgré cette prudence, les responsables gouvernementaux français n’ont pas été récompensés de l’indéniable modération dont ils ont fait preuve à l’annonce de cette interpellation. Ne nous y trompons pas ; ce qui est en train de se jouer n’est pas un énième soubresaut des rapports tumultueux, ombrageux, complexe entre Paris et Alger.
C’est une affaire à la triple dimension : morale, tout d’abord, car ne pas se lever pour défendre un écrivain jeté en prison revient à accepter qu’un écrivain puisse être encore victime de nos jours d’une « lettre de cachet » ; intérieure, car les geôliers de Sansal, excellents observateurs de la vie publique française, ont compris qu’il y avait là un moyen d’activer des leviers pour diviser encore plus la société française ; géopolitique enfin, en raison des difficultés inhérentes entre autres à la relation entre Rabat et Alger, et aux évolutions de la diplomatie française sur le sujet.
Or à ces trois défis, il faut répondre sans hésitation : un écrivain n’a évidemment pas sa place en prison dès lors qu’il est arrêté en raison de sa qualité d’intellectuel ; face à la tentative extérieure et pernicieuse de divisions de notre corps social et politique, il faut opposer une unité pleine et entière autour du principe fondateur et fondamental de la liberté d’expression et de pensée, laquelle n’est pas négociable – c’est le sens de l’ample et plurielle mobilisation lancée par le comité de soutien international qui milite pour la libération immédiate et sans condition de Sansal ; enfin, l’équation sensible des rapports entre le Maroc et l’Algérie ne saurait d’une quelconque manière autoriser ce qui s’apparente à une inacceptable prise d’otage visant à faire pression sur la France.
Par-delà ces questions morales, politiques et internationales, il y a enfin un homme, dont le nom est le symbole de la résistance à la lâcheté, un homme âgé dont tout le combat est de dire sa vérité et de se tenir droit, d’éclairer sans compromission ses contemporains sur les dangers qui guettent les sociétés libres, un homme dont l’œuvre témoigne du courage, un homme seul qui, du fin fond de sa solitude carcérale, doit affronter une machine d’État dont le but est de le broyer ou de s’en servir comme une monnaie d’échange. Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, il faut libérer Boualem Sansal, la voix de tous les hommes qui se refusent à la peur et à la résignation.
Signataires
Eric Anceau, professeur en histoire politique contemporaine
Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Florence Bergeaud-Blacker, anthropologue
Olivier Dard, historien, professeur à Sorbonne-Université
Smaïl Djerbal, journaliste
Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie
Kamel Bencheikh, poète et romancier
Shannon Seban, conseillère municipale à Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis)
Amine Elbahi, juriste
Olivia Grégoire, députée de Paris
Emmanuelle Hoffmann, députée de Paris
Guillaume Larrivé, ancien député
Constance Le Grip, députée des Hauts-de-Seine
Bartolomé Lenoir, député de la Creuse
Noëlle Lenoir, avocate, ancienne ministre chargée des Affaires européennes
Delphine Lingemann, Députée du Puy-de-Dôme
David Lisnard, maire de Cannes, président de l’Association des maires de France
Frédéric Masquelier, maire de Saint-Raphaël, président d’Estérel Côte d’Azur Agglomération
Paul Melun, essayiste et chroniqueur
Nicolas Medzdorf, député de Nouvelle-Calédonie
Maxime Michelet, député de la Marne
Laure Miller, députée de la Marne
Thibault de Montbrial, avocat
Céline Pina, journaliste
Gilles Platret, maire de Chalon-sur-Saône
Charles Rodwell, député des Yvelines
Stéphane Rozès, politologue et essayiste
Laetitia Saint-Paul, députée du Maine-et-Loire
Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel
Erik Tegner, directeur de la rédaction de Frontières
William Thay, journaliste
Annie Vidal, députée de Seine-Maritime
Léa Wiazemsky, actrice et romancière
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